Il y eut un silence, mais ce n'était pas un silence ordinaire, pas le genre de silence qui est en réalité rempli de petits bruits presque imperceptibles tous dansant au bord même de notre ouïe ; le bruit de fond blanc et réconfortant de l'existence que nous, simples mortels, appelons habituellement le silence.

Ce silence là, était total.

Il était lourd.

Il s'étendait sur tout comme un manteau profond et densément étouffant de neige fraîchement tombée. Il était absolu ; un silence si complet que ce n'était pas seulement l'absence de tout bruit, mais l'annulation étouffante de l'existence même du son.

Et, au milieu de ce silence assourdissant et presque douloureux, se dressait un bâtiment immense et sombre, dont les murs, les portes, les fenêtres et les avant-toits en surplomb étaient sculptés dans des teintes de noir sur noir. C'était comme si l'obscurité sombre de minuit au milieu de l'hiver avait été savamment taillée sous la forme d'une salle de fête monstrueusement majestueuse et monochrome.

Puis, sans une seule note d'avertissement, les gigantesques doubles portes de la salle de fête noire éclatèrent dans une explosion tumultueuse de lumière et de son. Une fureur soudaine et cataclysmique d'une férocité qui pourrait faire fondre les tympans, les fusionner à l'intérieur de votre crâne déchiqueté, le silence dévorant le transformant en un million de fragments brûlés.

Tout mortel se tenant à moins de mille lieues de cette cacophonie incandescente et déchaînée de son et de lumière aurait été rendu instantanément sourd et aveugle. Plus que probablement, la symphonie sonore et visuelle apocalyptique qui se déroulait ici aurait immédiatement arrêté les cœurs les plus audacieux et les plus effrayants.

Ce serait une tragédie car mourir à ce moment précis signifierait ne pas être témoin de la cause de cette majesté cataclysmique et anesthésiante.

Car à travers les portes maintenant larges de la salle de fête, éclatèrent d'abord Tanngrisnir et Tanngnjóstr, les deux puissantes chèvres de Thor, tirant le char exquis et brillamment sculpté du dieu. À l'intérieur duquel , Thor lui-même se tenait, agrippé avec agilité sur ses deux jambes. Sa main gauche tenait sans effort les rênes et guidait adroitement les chèvres. À sa droite, Mjölnir - le marteau de Thor - était brandi haut dans les airs, crépitant avec des éclats aveuglants de lumière blanche, agissant comme un conducteur pour l'électricité qui s'enfonçait dans l'air puis revenait à travers le corps du dieu. , faisant un arc dans une tentative désespérée de trouver la terre, et échouant à cette tâche, claquant, craquant et se recroquevillant avec un bégaiement sinueux sur lui-même.
Thor, le dieu du tonnerre, chevauchait à nouveau. De part et d'autre des portes de sa salle de fête, jusque dans la nuit. Les sabots lourdement chaussés de ses chèvres et les roues épaisses et bordées de métal de son char envoyaient des sons puissants et écrasants qui faisaient rage à travers le cosmos, percutant et faisant écho à tout et à tout ce dans quoi il se brisait impitoyablement.

Le silence n'était plus; il avait été remplacé par un son qui ferait trembler le cœur même du plus gros guerrier.

Un son qui surprend les enfants de leur sommeil et les fait frémir et pleurer dans les bras de leurs parents qui, malgré les mots apaisants qu'ils utilisent pour calmer leur progéniture, nourrissent néanmoins eux-mêmes un sentiment de crainte pour le pouvoir brut et sans entraves qui est la Chevauchée de Thor.